Le désert des miroirs

Mon grand-père adorait les livres. Tellement d'ailleurs, qu'il a très peu partagé sa passion avec moi quand j'étais petit. Je risquais sans doute de les abîmer. Mon grand-père était un peu bizarre. Quand j'avais 18 ans, il est mort. Il y a quelques années, il a fallu décider quels livres de sa collection seraient vendus, et lesquels je voulais garder pour moi. Dans le lot que j'ai gardé, il y avait "Le désert de miroirs", de Max Frisch. Du même auteur j'avais lu avec beaucoup de plaisir le plus connu "Homo Faber". Mais j'ai tout de suite aimé ce titre, "Le désert des miroirs". Il a frappé ma mémoire, et j'ai décidé d'en faire le sous-titre du troisième Aâma, alors que j'étais encore en train de travailler sur le premier tome. Donc bien avant de savoir ce que j'allais y mettre. Oui, le titre est venu avant tout le reste. A tel point qu'avec le temps, il a profondément influé sur le cours du scénario global, et tout ce que je dessine en ce moment en découle! Il y a deux semaines, j'ai eu une idée saugrenue, je me suis dit que j'allais essayer de lire le livre de Frisch... Sait-on jamais. Eh bien je n'ai pas réussi. Je me suis ennuyé. Même si dans un petit cercle critique de l'époque, c'est un livre qui a déclenché quelques écrits puisqu'il traite de l'identité et du rapport de l'auteur à la création de ses personnages. Tant pis. Chez Gallimard, on me dit qu'il ne devrait pas y avoir de problème juridique, puisque je repiquerais le titre en tant que sous-titre, et que ça se fait tout le temps. Alors, je l'annonce, il y a toutes les chances pour que ce troisième tome s'appelle Le Désert des Miroirs. Oui, je continue à trouver que ça claque.